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Photo du rédacteurCasimir de Hauteclocque

Jour 1 - 12 avril 2014 (Juche 103)




Beijing, avant le départ


Beijing. Hier, j’ai atterri pour la sixième fois de ma vie à Beijing, ville que je commence à bien connaître. Cependant, ce voyage est spécial : je ne reste même pas 24h dans la ville impériale et n’y fais qu’une escale. Il n’existe en effet pas de vol direct entre Hong Kong et Pyongyang. Oui, Pyongyang, en République populaire démocratique de Corée (il faut que je m’habitue à ne pas parler de Corée du Nord, puisque "ce grand pays qu’est la Corée est un").

Pourquoi aller en RPDC ? Je me souviens qu’il y a un peu plus d’un an, j’avais dîné avec un ami chinois, à Beijing, qui m’avait raconté être allé faire du tourisme dans le Nord de la Corée, et comment il avait eu des difficultés à sortir du pays car sa photo s’était détachée de son visa papier ; je me souviens très bien avoir pensé Mais quelle idée d’aller dans ce pays, aussi ! Depuis, j’ai entendu que l’homme à qui j’ai succédé dans ma collocation hongkongaise y est allé aussi, j’entends régulièrement parler de ce pays par Yann Moix, dans l’émission de Ruquier sur Europe 1 que j’écoute quasi quotidiennement, j’ai commencé à retenir de plus en plus ce que j’entendais à propos du nouveau Royaume Hermite, l’idée a germé en moi et ai eu envie de partir pour ce pays, dernier État cloisonné dans la mondialisation actuelle, avant qu’il n’existe plus sous cette forme.


Je sais bien que la décision peut paraître saugrenue.

On peut penser que c’est dangereux : à moins de vraiment faire le mariole, le pire que peut risquer un étranger (occidental qui plus est) est de se faire expulser du pays avant le terme du voyage.

On peut soutenir que l’argent que je dépense pour le voyage soutient un régime totalitaire : je suis bien conscient que cet argent ne servira pas à nourrir les plus nécessiteux du pays, mais c’est une goutte d’eau dans l’argent détourné des dons et autres ONG, et je suis certain qu’un partie au moins ira à des gens qui le méritent. De plus, je suis convaincu que plus les étrangers s’intéressent et s’ouvrent à la RPDC, plus la RPDC s’ouvre aux étrangers, et donc au monde extérieur.

On peut à ce propos soutenir que je ne vais voir que des façades et des habitants triés sur le volet, mais je pense que, même si c’est le cas, le fait pour eux de voir des gens différents d’eux (par leur langue, leur accoutrement, leur taille, leur poids, leur équipement, etc.) ne peut que participer (très légèrement) à leur donner une image du monde en dehors des frontières du pays.

J’ajouterai que le fait de me rendre dans ce pays me l’a fait mieux connaître, puisque j’ai lu des livres que je n’aurai sans doute jamais lus sinon, comme Rescapé du Camp 14, Vies ordinaires en Corée du Nord et North Korea undercover. Ces livres sont fascinant, et je conseille à tout le monde les quelques heures nécessaires à la lecture du premier (Sweeney est de loin le moins bien des trois).


Le RPDC me semble aussi un des derniers laboratoires de Sociologie, chose heureusement peu facile à reproduire. Cela dit, il serait intéressant de parler avec des Nord-Coréens qui vivent sur place pour avoir les résultats de cette expérience (les seuls échos qu’on a des conditions de vie dans le pays proviennent en effet seulement du régime ou des fugitifs, et sont donc biaisées par nature). Les notions de Bien, de Liberté ou d’amour sont-elles universelles, ancrées dans notre ADN, ou au contraire entièrement produites par notre éducation ? Peut-on être fondamentalement heureux avec un cerveau lavé ? Comment est-il aujourd’hui encore possible d’enclaver totalement 25 millions de personnes du reste des autres humains ? Je ne sais donc pas vraiment à quoi m’attendre. Je verrai bien, je suivrai le guide en essayant d’écarquiller les yeux au maximum. Supplément amusant au voyage : Je me suis également inscrit au semi-marathon de Pyongyang demain, organise pour commémorer la naissance de Kim Il Sung et ouvert pour la première fois aux touristes étrangers non professionnels.

Ce n’est pas le but du voyage, mais j’ai reçu le mois dernier un mail de l’agence de voyage qui organisé mon parcours demandant aux voyageurs s’ils souhaitaient participer au marathon ou au semi-marathon. Comme je venais de rejoindre un club de triathlon a HK (ou je ne fais principalement que de la natation), et que je venais de voir plein de photos sur Facebook d’amis parcourant le semi de Paris, je me suis dit que c’était une expérience à tenter, et l'occasion de courir pour le premier semi de ma vie. Je me suis dit qu’en augmentant un peu l’entraînement et en essayant de perdre un peu de poids ce pourrait être jouable. Je n’ai pas pu m’entraîner assez pour diverses raisons (orages a HK, 2 aller-retour en Europe pour des raisons familiales, ampoule au pied, etc.) et n’ai pas perdu un gramme malgré l’arrêt de l’ingurgitation de cochonneries… Je ne pars donc pas avec un objectif de temps mais plutôt de visiter Pyongyang à pied, dans un cadre particulier, avec pour seule contrainte de le faire en moins de 2h30, ce qui devrait tout de même être bon si je ne me blesse pas.

J’ai profité de mon sixième séjour dans la capitale chinoise pour me lever tôt et aller voir pour la première fois le mausolée du grand Timonier. J’avais déjà essayé d’y aller en octobre dernier mais était arrivé un peu plus tard (vers 8h) et surtout ils exigeaient la mise en consigne des téléphones et sacs avant le début de la queue, et n’avais pas envie de patienter deux heures sans rien faire. J’y suis donc retourné aujourd’hui, suis arrivé un peu avant 7h place Tian’an men, ai fait la queue pendant trois gros quarts d’heure, en patientant en lisant les dernières pages de North Korea undercover, que je ne comptais pas prendre avec moi à Pyongyang et sans téléphone ni appareil photo sur moi (même si ce n’étais finalement apparemment pas nécessaire cette fois ci puisqu’ils ne le contrôlaient qu’à la fin). On entre dans une première salle, on peut déposer des fleurs, en ventes juste avant d’entrer dans le bâtiment, devant une state de Mao assis, en s’inclinant trois fois avec respect, puis on continue de suivre la foule de vieux chinois nostalgiques, ou de parents expliquant à leurs enfants qui était la personne qu’ils s’apprêtent à voir. On rentre ensuite dans la salle, ou des gardes nous pressent le pas et nous interdisent de nous arrêter, Mao repose sous un drapeau communiste le couvrant jusqu’aux épaules, sous un cercueil de verre, lui-même dans une grande cage de transparente d’environ 7 mètres de côté. Quelques secondes après être entré dans la salle, on est dehors, un peu sur notre faim (même pas de vendeur de souvenirs Mao !). Je n’ai pas pu observer en détail le corps de Mao, qu’on dit mal conservé, et ne suis de toute façon pas un expert en la matière. Je pourrai désormais comparer le Mausolée des Kim à celui de Mao et de Ho-Chi-Minh, que j’avais vu à Ha-Noi en février.


Aéroport

Je me suis ensuite dirigé vers l’aéroport. Dans le hall principal des départs, il n’y avait étrangement pas de vol vers Pyongyang affiché à 14h ; mais j’avais été heureusement été mis au courant de cette éventualité et me suis donc dirigé vers l’espace de l’enregistrement des départs internationaux, après un premier contrôle des bagages. Dans cette zone, le vol JS222 était cette fois bien à l’écran et ai donc pu trouver le comptoir d’air Koryo pour m’enregistrer. J’ai même été surpris de voir qu’il y avait même deux vols pour Pyongyang prévus aujourd’hui, soit deux fois plus que d’ordinaire ! Il est amusant de voir tous les touristes (moi le premier) prendre tout ce qu’ils peuvent en photo : le comptoir d’enregistrement, le billet d’avion, l’étiquette des bagages, l’avion lui-même, les autres touristes en train de prendre ces photos, etc. On peut distinguer plusieurs groupes de touristes et quelques locaux, reconnaissables à leurs badges arborant les photos de Kim Il Sung et Kim Jong Un ainsi que les sacs de Duty-Free pour certains. Notre Tupolev décollera même avec une bonne heure et demie de retard, et je pense que les Coréens arrivés en retard et installés à l’avant de l’avion n’y sont pas étrangers…

L’avion est donc un Tupolev 204-100 d’Air Koryo. On y est accueilli par de charmantes hôtesses jolies et souriantes, confirmant leur réputation, je prends ensuite un journal Coréen, avec la date en calendrier Juche (la seule chose que je sais déchiffrer) et m’installe près du hublot pendant que des chants traditionnels sont diffusés par les haut-parleurs de l’avion. On nous a ensuite servi une collation : non d’un impérialiste, c’est un hamburger !


Premières impressions

À l’atterrissage, je vois un pays brun. Entièrement brun. Toutes les cultures sont sèches en cette saison et donnent au paysage toutes les déclinaisons de cette couleur. Je vois deux troupeaux de chèvres, un cygne puis nous atterrissons dans un aéroport au milieu des champs. Nous roulons, puis passons devant quelques hélicoptères camouflés par des bâches, brunes elles-aussi, avant de rejoindre le terminal d’arrivée. Là, nous sortons de l’avion au milieu d’une foule d’uniformes nous attendant sur le tarmac, tous arborant le badge du Président Kim Il Sung. L’aéroport est tout de même doté d’un tapis roulant pour distribuer les bagages : moderne ! Après une bonne heure à se faire fouiller les valises (ils vérifient tout minutieusement mais leur méconnaissance de la plupart des objets technologiques laisse tout passer : mon GPS Polar et ma Gopro sont devenus des recharges pour la batterie de mon appareil photo sans aucun problème, seuls les téléphones portables sont recensés, avec le numéro de VISA et passeport du propriétaire, écrits à la main dans un cahier A5) nous montons dans le car du groupe puis nous dirigeons vers le centre-ville, à 30 minutes environ. On m’avait annoncé des routes vides et en très mauvais état : je n’ai pas senti trop de nids de poule et il y a tout de même pas mal de voitures, même si on est loin du brouhaha et du pêle-mêle de véhicules en tout genre des autres grandes métropoles asiatiques. Le choc est moins violent que ce que je pouvais imaginer : les gens sourient dans la rue, je vois des enfants jouer au basket ou au badminton : J’ai bien conscience que c’est Pyongyang et non nécessairement représentatif du reste de la Corée, mais si c’est une façade, elle me semble en tout cas plutôt réussie. Nous allons ensuite à notre première visite : la fontaine Mansudae, puis reprenons le car pour aller voir les statues de bronze des grands Leaders, le Président Kim Il Sung et le General Kim Jong Il. Ce sont deux statues de bronze massives et gigantesques, bien éclairées de nuit. Il nous est demandé de nous mettre en ligne puis de respecter la tradition du pays en montrant notre respect envers les dirigeants en nous inclinant une fois, tous en même temps (« attention : la tête doit passer devant les hanches »).

Notre groupe, composé de Français, de Norvégiens, de Suédois, d’Américains, de Russes et de Hollandais, est accompagné par trois guides locaux, la chef Ri, et deux assistants Kim et Ho, et par un guide étranger, Igor.

J’ai d’ailleurs eu ce soir mon premier problème… Alors que j’avais envoyé 12 mails précisant que je voulais prendre part au SEMI MARATHON, ces Q$@!CSq34QW@#% de Korea Konsult m’ont inscrit à la course de 10km. Je suis assez énervé, on m’a fait miroiter un changement possible mais &agave; moins de 12h de coup d’envoi, ils m’ont finalement confirmé que ça n’allait pas être possible. J’enrage.

Je vais ensuite m’installer dans une des 1001 chambres de l’Hôtel Yanggakdo, d’un bon niveau de confort, avec la BBC à la TV, pas de portrait des leaders à l’intérieur et un restaurant révolutionnaire (qui tourne sur lui-même) au dernier étage. Je pose mes affaires puis vais dîner et reviens me coucher, a plus de 23h, alors que le réveil est à 6h le lendemain…



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